À la question : « quel métier voulez-vous exercer plus tard ? », l'élève que j'étais ne pouvait apporter aucune réponse à mes professeurs. Cela m'avait longtemps angoissé. J'aurai pu répondre : « libre ». Je veux être libre.

Pour certains, l'école de la république est une prison. Inadaptée pour les âmes errantes, les rêveurs, les créateurs , les cancres et les surdoués. À l'époque, je ne connaissais pas les Frenet, Montessori, Steiner et autres. Le cadre d'une fenêtre m'offrait plus de perspectives qu'un théorème, qu'une syntaxe ou qu'une date dans l'histoire de l'humanité. Combien de fois aurais-je aimé fuir ces cours rébarbatifs ? Combien de professeurs ai-je détesté ? Je n'étais pas assez courageux pour emprunter les chemins de l'école buissonnière. Alors je m'ennuyais. Ou plutôt, je rêvais. Je me dédoublais. Mon corps prenait la pose de l'élève attentif et mon âme... Ah mon âme ! Pour combien de voyages m'a-t-elle emporté ? Combien d'heures de cours m'a-telle aidé à supporter. Je gagnais ma liberté dans la contrainte d'une enceinte formaté. Libre.

Au lycée professionnel, la question sur mon avenir ne m'avait plus angoissé. J'avais juste choisi d'accompagner mes meilleurs amis qui eux, m'avait-il semblé, avaient choisi leur voie. Erreur. Eux aussi se sont fourvoyés. Mes examens en poche, je savais déjà que je fuirai cette direction.

Mon nouvel itinéraire m'a conduit en Allemagne. À Francfort plus exactement. J'ai travaillé dans un grand restaurant. J'aime bien dire « grand », mais il l'était surtout par sa taille. Mes collègues étaient aux couleurs de cette terre : indiens, pakistanais, turcs, yougoslaves, italiens, grecs, suisses, espagnols, maghrébins, néerlandais, belges, autrichiens, britanniques, irlandais et un uruguayen. J'ai révisé toute ma géographie.

Mes premières payes ne m'ont pas fait oublier mes années d'indigence. Je connaissais trop bien la valeur de l'argent. Je n'ai donc pas fait d’excès. Sauf peut-être avec la bière et avec la volupté germanique.

En 1989, je reviens dans les Ardennes. Le pays qui a bercé mon enfance. Mon sang charrie encore aujourd'hui un peu de son fleuve tortueux et de l'essence de ses forêts profondes. Je goûte à la joie de la vie conjugale et de la paternité par trois fois. Mon nouvel emprisonnement m'écrase, m'éteint. Je retrouve la liberté avec ses plaisirs et ses exigences.

À ma question : « que vais-je faire maintenant ? », je réponds que je veux écrire. Cette idée née au tout début des années 80 ne se concrétise que 20 ans plus tard. En 2007, je mettais un point final à mon roman d'abord intitulé « aromatransfert ». Ce petit chef d’œuvre dormira de longues années au fond d'un tiroir.

En 2015 on m'a arraché précipitamment à mes chères Ardennes. Je ne savais pas encore que l'Auvergne m'offrirait toutes les composantes bénéfiques à mon épanouissement. J'ai exhumé mon roman poussiéreux. Je l'ai épuré, retravaillé et amélioré. C'est donc cette version que je veux vous faire partager.

 

PS : J'ai compris il y a bien longtemps pourquoi je ne pouvais pas répondre à la question de mes professeurs. Mon avenir ne se joue jamais au-delà de ma journée. Je meurs tous les soirs en m'endormant. La nuit, mon âme se libère pour retrouver dans l'univers son berceau d'origine. Je renais tous les matins avec la même identité et le même défi : remplir une journée du mieux que je peux en respectant ce que Dieu a crée, en exerçant ma bienveillance et à ne pas dévier du chemin qui mène à l'amour absolu.

 

 

Pascal Hennequin

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